On pourrait l’appeler « la cassette qui tue ». Il s’agit d’une pièce clé du dossier : le vendredi 21 septembre 2001 au matin, sur l’aérodrome de Toulouse-Montaudran l’aérodrome historique de la Ville rose avant Blagnac, celui de Saint-Exupéry et des héros de l’Aéropostale, qui y décollaient sur leurs Latécoère de légende et où l’on assure aujourd’hui la maintenance des Airbus A-320 , se tient, précisément dans le bâtiment 14, une session du comité d’entreprise d’Air France. Coup de chance : elle est enregistrée sur un petit magnétophone. Valeurs Actuelles a pu récemment se procurer une copie de cette cassette, qui se trouve entre les mains de la police judiciaire (PJ) depuis le mois de novembre 2001, soit il y a quatorze mois ! Elle prenait la poussière sur une étagère du laboratoire de la police scientifique de Lyon, parmi des centaines d’autres pièces de procédure stockées en vrac, lorsqu’on l’y a dénichée en octobre 2002.
Etait-elle à ce point sans intérêt ?
C’est tout le contraire : il s’agit d’une véritable mine à fragmentation pour la thèse officielle de « l’accident chimique », puisqu’elle prouve de manière irréfutable qu’il y a bien eu au moins deux explosions distinctes ce matin-là, à environ huit secondes d’intervalle, et qu’elles n’ont matériellement pas pu se produire au même endroit. Voici le script intégral de ce que l’on entend, ce vendredi matin, sur cet enregistrement Air France-Montaudran, situé à environ 4,2 kilomètres à vol d’oiseau à l’est du pôle chimique toulousain, vers la période fatidique comprise entre 10 h 17 min 50 s et 10 h 18 min 10 s. Voix de l’orateur principal : « Septembre-décembre, pour que le… BAANNG ! Heu ! C’est un mur du son, c’est un mur du son… Qu’est-ce que c’est ? C’est un mur du son… C’est un mur du son ça… Désolé… BAAAOOOUUUMMMMM ! (bruits de verre brisé et d’objets divers qui tombent…) Ah, ben non, c’était pas un mur du son… Vous sortez là ! Ça c’est une explosion… C’est bizarre ça… » Cet enregistrement saisissant, que les internautes peuvent écouter en exclusivité sur notre site Internet , prouve en effet plusieurs choses essentielles.
Premier enseignement.
La première explosion, brève et sèche, est unanimement perçue par des personnels d’Air France comme aérienne et extérieure au bâtiment 14 de l’aérodrome Montaudran, puisque semblant provenir d’un avion qui franchit le mur du son. Ce qui exclut totalement l’hypothèse de « l’illusion sismique » développée par Annie Souriau, la directrice de l’Observatoire Midi-Pyrénées (OMP), dans son rapport à la Drire (Direction régionale de l’industrie, de la recherche et de l’environnement) du 26 septembre 2001, puis dans son compte-rendu à l’Académie des sciences (Cras) publié en mars 2002. Un « grondement sismique » avant-coureur d’une explosion n’est en effet jamais perçu comme sec, aérien et extérieur, mais au contraire comme sourd, souterrain et très proche de son auditeur… Rappelons que cette hypothèse de « l’illusion sismique », complaisamment relayée par la presse locale et par l’enquête judiciaire officielle pour « refermer la porte » de l’attentat, comme on dit dans le jargon policier, expliquait à des milliers de Toulousains pour le moins sceptiques qu’ils avaient d’abord « entendu par les pieds le grondement sismique », avant de percevoir par les oreilles l’onde acoustique d’une seule et même explosion. Corollaire obligé : cette explosion unique était forcément située au hangar 221 d’AZF, ce « dépotoir à la dérive » où les enquêteurs du SRPJ de Toulouse ont soi-disant trouvé, au fil du temps et des “révélations” de la Dépêche du Midi, des déchets de papier ou de carton, des cadavres d’animaux, du goudron, du soufre, des fuites d’huile ou de fioul provenant d’un chariot élévateur, de l’acide sulfurique et enfin des dérivés chlorés pour piscine ! Autant de substances suspectées à tour de rôle de faire exploser à froid (23 °C sur Toulouse le vendredi 21 septembre) un tas de trois cents tonnes de nitrates d’ammonium déclassé, banal engrais azoté dont tous les spécialistes savent qu’il fond à 160 °C et qu’il n’est qualifié d’« explosible » que parce qu’il se transforme effectivement en explosif s’il est porté très brutalement au-dessus de 1 150 °C, à condition d’être convenablement amorcé. Ce qui justifie, par exemple, son utilisation dans les fameuses bombes daisy cutter (littéralement : “faucheuses de marguerites”) larguées il y a un an par l’aviation américaine sur les talibans en Afghanistan.
Second enseignement.
A l’écoute de cette cassette Air France-Montaudran, les deux explosions n’ont matériellement pas pu se produire au même endroit. Pour une raison très simple : si les soixante-quinze tonnes environ sur trois cents au total de nitrates d’ammonium qui ont effectivement explosé dans le hangar 221 d’AZF avaient sauté en deux fois, à x secondes d’intervalle, cet intervalle de temps x entre les deux “bang” aurait dû rester constant pour un observateur toulousain, quelles que soient sa distance et sa position par rapport au cratère. Or entre le premier “bang” et l’énorme “BAOUM” de la cassette Montaudran, situé 4 130 mètres à l’est du hangar 221, il s’écoule précisément 10,3 secondes. Sur l’enregistrement effectué le même jour à l’Hôtel-Dieu (lire Valeurs Actuelles du 18 janvier 2001), à 3 750 mètres au nord, cet intervalle de temps n’est que de 8 secondes, tandis que la cassette du cours enregistré à la faculté dentaire de Rangueil, à 2 700 mètres à l’est, donne un intervalle de 10,25 secondes, et que l’on mesure seulement 7,7 secondes d’intervalle sur l’enregistrement de Radio Présence, à 3 275 mètres au nord du cratère. Conclusion logique irréfutable au plan scientifique : les deux explosions ont des épicentres distincts. Celui de la seconde est forcément le cratère du hangar 221 d’AZF, où s’est produite la monstrueuse déflagration qui a ravagé Toulouse et tué trente à trente-deux personnes sur le coup, sans parler des milliers de blessés, physiquement et psychiquement, et des 2,5 à 3 milliards d’euros de dégâts matériels et de manque à gagner économique. L’épicentre de la première explosion, quant à lui, reste à identifier. On sait simplement, d’un point de vue mathématique, que l’ensemble des points susceptibles d’avoir été cet épicentre forment une branche d’hyperbole, que Valeurs Actuelles avait publiée dès le 18 janvier 2001 . Coïncidence pour le moins troublante : en recalculant cette hyperbole avec la cassette Montaudran, et avec toutes les marges d’erreur nécessaires, on retombe pratiquement sur la même courbe, qui confirme à la perfection le couloir que nous avons publié il y a un an. Ce couloir d’une cinquantaine de mètres de large traverse de part en part, selon un axe nord-est sud-ouest, le sud de la Société nationale des poudres et explosifs (SNPE) en alerte Vigipirate renforcée depuis le 31 août 2001, soit onze jours avant le 11 septembre , mais il ne concerne nullement le site d’AZF. C’est à ce stade qu’interviennent deux éléments nouveaux d’une importance cruciale pour tenter de démêler les conséquences de la première explosion de celles de la seconde, qui les a littéralement effacées : il s’agit de la comparaison de photos aériennes du pôle chimique toulousain (classé Seveso II) réalisées avant et juste après le sinistre, et du témoignage pour le moins étonnant de plusieurs employés de la SNPE, que l’on s’était bien gardé de divulguer jusqu’ici. Il est vrai que même en ayant été autorisée, le 31 juillet dernier, à reprendre partiellement ses activités stratégiques de production de carburants solides et liquides (fusées Ariane IV et V et missiles de la force stratégique française) hors la chimie fine des dérivés du phosgène, gaz hautement toxique qui représentait 70 % de son chiffre d’affaires cette entreprise d’Etat a été contrainte de mettre en place un plan social sévère, qui court jusqu’au 31 décembre 2005 en cas d’échec de la réindustrialisation du site toulousain. Ce plan prévoit la suppression de 492 postes, dont 402 à Toulouse : 296 sur l’île du Ramier et 106 dans sa filiale Tolochimie, située au sud d’AZF. On notera au passage que la direction du groupe SNPE a par ailleurs renoncé à utiliser la voie contentieuse pour se retourner contre l’Etat, son actionnaire principal, en échange de compensations financières (elle réclamait 450 millions d’euros) : l’accord à l’amiable a finalement été signé à Matignon, dans la plus grande discrétion, voici une quinzaine de jours…
Thierry Deransart
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